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Le blog de mademoisellepioupiou
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Tempête à la Bergerie  2ème  partie

Tempête à la Bergerie 2ème partie

Tempête à la Bergerie  2ème  partie

#Chapitre4 #NouvelleDeLavent

 

Un bruit sourd la tire de son sommeil, affolée elle entend distinctement des bruits de pas se rapprochant de la chambre, elle n’a pas le temps de courir à la porte pour la fermer qu’une silhouette ruisselante la repousse

- Tu es qui toi ? Tu fais quoi ici ?

Le cœur battant la chamade de terreur, elle arrive tout juste  à dire  dans un souffle effrayé : "Ma..non, je suis Manon… la nièce  de Rose "

-Et bien tu n’as pas perdu de temps toi pour t’installer ! Je suis le berger…Allez lève-toi et viens m’aider à rentrer les bêtes, je les ai toutes descendues avec les chiens, ça m’a pris des heures, il faut finir avant l’arrivée de la tempête, j’ai besoin d’un coup de mains, remues toi !

Comme une somnambule, elle descend et elle chausse ses bottes, enfile un pardessus et un chapeau accrochés à la patère près le porte et suit dehors ce grand escogriffe mal aimable.

Dehors c’est l'orage, il pleut dru, elle ne voit pas à 1 mètre, le rideau de pluie rend tout invisible en dehors de ce cercle, la silhouette lui tend une lampe frontale allumée et lui dit : " met ça ! "  Dans le brouhaha du troupeau de bêtes, sans réfléchir elle obéit à l’inconnu.

Sous cette pluie battante, elle est désorientée et ne sait quoi faire alors elle décide de suivre aveuglément ce qu'il lui dit, elle comprend qu'il veut faire rentrer les bêtes dans la grange, elle aperçoit courant d'1 bout à l’autre, les chiens qui les poussent vers là-bas. Au moins un grand blanc et un plus petit bicolore qui dans ce chaos bruyant se débrouillent pour diriger cette masse de bêtes effrayées vers l’entrée de la grange avec une efficacité incroyable.

Elle est pétrifiée et n'arrive pas à anticiper les mouvements du troupeau comme eux ! Elle se sent démunie, elle réalise que le berger veut qu'elle fasse obstacle et empêche les animaux de se séparer et d'échapper dans la nuit. Mais elle a du mal à prévoir leurs voltes face. C'est nouveau pour elle qui n'a jamais fait ça !

A plusieurs reprises, il l’a soulevée de terre comme un fétu de paille pour l’écarter du passage d’une bête trop en furie, lui criant des ordres qu’elle ne comprenait pas dans le vent et la pluie, elle a senti contre elle ce robuste corps qui la déplaçait comme un pion sans prévenir. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’était pas très précautionneux avec elle, il semblait en colère mais qu’avait elle fait pour mériter ce réveil en pleine nuit et d’être ainsi rabrouée dans le froid ?

Au bout d’un temps qui lui a semblé des heures, les bêtes étaient rentrées, chacune dans leurs enclos, du foin était éparpillé sur le sol des étables et les bassins d’eau remplis…

L’homme se retourne enfin vers elle et au-dessus de cette bouche qui depuis le début lui intime des ordres sans ménagement, elle perçoit un regard vert vif sous quelques boucles rousses ruisselantes : « Je suis Camille, le berger, une tempête approche, il fallait que je regroupe les bêtes et que je les ramène ici, je devais arriver plus tôt mais je n’ai pas pu faire plus vite…merci »

(Enfin une parole gentille)

-La tempête ? Mais quelle tempête personne ne m’en a parlé ?

-Elle sera sur nous dans 24h au plus tard, elle va être terrible et durer plusieurs jours, je ne pouvais pas laisser les bêtes dehors, j'ai été surpris par ta présence, si ce n'est ta ressemblance avec Rose je t'aurais prise pour une voleuse !

-Mais comment ça surpris, on vous a laissé des messages tout l'après midi

-Ah parce que toi tu crois que seul là-haut dans l'alpage sous l'orage à rassembler 3 troupeaux, j'ai eu le temps de regarder mon téléphone ? Je ne savais pas que tu devais rester dormir ici, seulement que tu venais avec l'autre coincé pour avoir des renseignements... il est où lui d'ailleurs ?

-Ah ben, on est deux, moi non plus je ne savais pas que j'allais rester passer la nuit, quand à l'autre coin... le notaire, il m'a laissée ici et est rentré à Nice.

-Il t'a laissée seule ici et bien il est pas gêné lui au moins ! Toute seule, ici ?  Il est gonflé et toi tu es inconsciente, tu avais laissé la porte ouverte, n'importe qui aurait pu rentrer !

(Quelle idiote dans son empressement à aller se coucher elle n'avait pas réalisé qu'ici ça n'était pas comme chez elle, une porte blindée qu'il suffit de pousser et si l'on oublie le tour de clef c'est pas grave)

Je vais te laisser un chien que tu sois prévenue si quelqu'un s'approche, tiens celui-là il t'obéira facilement, garde le près de toi, il est encore petit, il a eu froid.

A ce moment-là, Manon réalise que l'épaisse veste du berger présente un renflement sur le devant et quand il l'ouvre apparait une tête floconneuse avec deux petites billes noires comme du charbon et une truffe luisante. C'est un chiot, il est resté tout ce temps sous sa veste sans un bruit profitant de la chaleur du berger, on dirait une jolie peluche, ce trésor caché sous sa veste laisse à penser qu'il est plus gentil qu'il le laisse paraître.

Comme une idiote, Manon s'entend dire : « il ne risque pas de faire grand mal si je suis agressée celui-là ! » (Quelle conne, mais pourquoi je dis ça alors que cette boule de poils est adorable et je n'ai qu'une envie c'est de la câliner !)

-Mais c'est pas pour te défendre, c'est pour te prévenir ! Pour te défendre, il y a les deux fusils de Rose, il y en a un sous le lit et un autre dans la cuisine, le chien il te prévient après tu te débrouilles, mais d'abord la nuit tu fermes la porte !

Elle tend les bras pour attraper la boule de poils en disant : « merci Monsieur ! »

-M'appelle pas Monsieur, je suis Camille, appelle-moi Camille, tout le monde m’appelle Camille.

-Moi je suis Manon...

-Je sais Rose parlait souvent de toi !

Deux fois qu'il lui dit des choses surprenantes, elle ressemble à Rose et elle parlait d'elle. En prenant le chien, elle réalise qu'il pue l'étable, ah oui ce n'est pas un chien de salon !

- Il s'appelle comment ?

-Il est trop petit, il n'a pas de nom, ici quand ils sont petits on attend qu'ils grandissent pour leur donner un nom des fois qu'ils meurent...c'est un mâle, donne-lui toi un nom si tu veux.

Retour à la réalité pragmatique des montagnards, elle va lui donner un nom, elle va l'appeler comme sa peluche d'enfant : #Dieter dit Didi et puis elle va le laver car il dégage une forte odeur de suint

-Maintenant tout le monde est en sécurité, je prends de quoi manger et je vais dormir chez moi à la grange, on se voit demain !

-Mais je…

Elle n’avait pas eu le temps de finir, qu'il avait déjà quitté la maison et elle voyait par la fenêtre le pinceau lumineux de sa frontale s’éloigner dans l’obscurité. Elle avait tant de questions pour lui.

Mais d'abord l'urgence, se débarrasser de ces vêtements boueux mouillés et on ne veut pas savoir quoi d'autre, laver le chiot et se laver aussi car ils en ont bien besoin tous les deux !

Elle sentait l’étable et ses bottes pire encore… Elle finit par trouver des grandes serviettes éponge et un pyjama d'homme bien chaud qui fera l'affaire pour cette nuit. Cet après-midi en cherchant à manger pour le chat elle a vu qu'il y avait une réserve de colliers anti puces sous l'évier, elle en prendra un pour le chiot.

Elle rentre dans la baignoire avec le chiot et fait couler sur eux le jet d'eau qui au contact de l'animal se transforme en ruisseau boueux, elle se savonne et shampouine le chiot jusqu'à ce que l'eau soit claire, enroulés tous deux dans une serviette ils finissent par sortir de là tout propre.

Elle trouve un sèche cheveux dans un tiroir du meuble de salle de bain et commence à sécher la petite bête, en un rien de temps et il a retrouvé la superbe de son pelage floconneux, oui il s'appellera Didi le flocon !

Revêtue du pyjama d'homme trop grand qu’elle a trouvé dans une armoire, elle n’est pas très glamour mais est bien au chaud, Manon peut enfin se laisser aller à ses réflexions, donc la Tante Rose parlait d'elle et toutes les deux se ressemblaient, ce soir elle avait vu des albums en bas dans le salon, elle irait les regarder demain, là elle n'a qu'une envie c'est de dormir les quelques heures de nuit qu'il restait ! Car même si des pensées diverses se percutaient dans son esprit son corps douloureux voulait dormir.

Elle se demande tout de même ce que c’est que cette tempête dont personne ne l’a prévenue et surtout pas son cousin qui l’a abandonnée ici il y a quelques heures.

Etrillée de neuf et lestée de son chiot elle retourne sous la couette, Manon constate que le chat n’a pas bougé d’une once, l’incursion de Camille et du chiot ne l’a même pas réveillé, quelle bonne nature ce chat !

Elle s’enfonce déjà dans un sommeil lourd peuplé de bêtes et poursuivie par ce regard vert à la voix rauque, le chiot blotti contre elle.

 

 

#Chapitre5 #NouvelleDeLavent

 

Manon émerge de cette nuit mouvementée, elle entend au loin des bruits de casseroles et sent le pain grillé exhaler, le berger a dû revenir, serait-il en train de lui préparer son petit déjeuner ? Impossible... !

Après un bref passage dans la salle de bain, la voilà qui descend les escaliers équipée montagne, le chiot dans les bras,  s’attendant à aller enfin visiter les lieux environnants.

Au pied des marches, elle peut voir le dos musclé du berger, attablé pour manger et lisant un journal qu’elle a apporté de Nice.

-Bonjour Camille, j’ai le temps de déjeuner avant que l’on ne parte ou je dois me contenter d’une tasse de thé ?

Hilare, il pivote vers elle et lui dit dans un souffle : « mais où crois-tu pouvoir aller ? » 

-Et bien visiter le domaine, c’est pour ça que je suis restée hier, sinon je serais redescendue à Nice.

-Mais tu n’as pas compris la citadine, il pleut très fort, ça va continuer et augmenter, aller courir les pistes et les sentiers serait une folie, tu aurais dû rentrer chez toi hier parce que là c’est pas gagné ! La source près de la grange coule déjà comme un torrent là où d’habitude il n’y a qu’un filet d’eau claire, c’est mauvais signe…j’ai bien fait de rentrer les bêtes.

Aujourd’hui on ne bouge pas, on rentre un maximum de bois pour la cheminée et les poêles, on sort les bougies de la réserve parce que ça va sûrement péter et on s’occupe des bêtes, on ne peut rien faire d’autre, je vais juste essayer de retrouver les deux chevaux qui se sont éloignés cette nuit, ils ne sont pas loin, ils ont du s’abriter. Je te laisse, j’ai à faire, nourris les chiens si tu veux, ils doivent avoir faim, ils n’ont pas mangé depuis avant-hier soir.

-Quoi ? Mais les pauvres il fallait me le dire cette nuit je leur aurais donné !

-Leurs croquettes sont dans la remise dans l’armoire en fer à cause des souris… et au passage  rentre les poules dans la grange et nourris-les aussi ! Et puis tu sais le chien n’est pas un sac à main, pas besoin de le porter, il marche tout seul !

Manon perçoit le ton provocateur, il s’attend à ce qu’elle hurle de peur à cause des souris, il la prend pour une pintade sophistiquée.

-Ok je m’en occupe, ils s’appellent comment les autres chiens?

-Léo, Pâquis et Fantôme

-Au fait le chat il s’appelle comment ?

-Il n’a pas de nom, Rose l’appelait le chat, je t’ai rapporté du lait tout frais et des œufs si tu veux cuisiner, je reviendrais vers midi

(Pour se mettre les pieds sous la table sans doute ? Pour qui se prenait-il, elle n’allait pas lui servir de bonne quand même ! )

Il lui avait coupé l’appétit et elle se contenterait d’un verre d’eau et d’une pomme.

Néanmoins, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Manon se met en quête d’herbes aromatiques et va chercher au sellier des carottes et des poireaux pour faire cuire la viande qu’elle a sortie hier, elle en profite pour rapporter dans son panier quelques pommes de terres supplémentaires puisqu’ils sont deux.

Par acquis de conscience elle vérifie que Cindy ne l’ait pas appelée en vain… aucun appel de son associée, elle doit être très occupée ou chagrinée par ce que Manon lui avait annoncé, elle la rappellera ce soir, il faut qu'elle y pense elle n'aime pas rester si longtemps sans parler à son amie.

En revanche, elle appelle Félicien pour le remercier de l’avoir abandonnée au fonds des bois ou presque sans la prévenir de l’arrivée d’une tempête !

Messagerie évidemment : Félicien, c’est Manon, alors apparemment il y a une tempête qui se prépare, j’espère que tu as prévu de venir me chercher avant !

D’ores et déjà, je pense accepter la succession sous bénéfice d’inventaire. Je veux régler ça au plus vite et rentrer chez moi, je ne suis pas en vacances mon cabinet ne va pas tourner tout seul !

En raccrochant, sa colère est un peu passée, après tout elle est grande elle aurait pu jeter un œil à la météo toute seule et se rendre compte de ce qu’il passait au lieu de se laisser porter, ça ne lui ressemble pas, il y a vraiment quelque chose qui cloche en ce moment.

Il est encore un peu tôt pour appeler Cindy, dont la fin de semaine a été chargée mais elle lui envoie un texto : « Cin tu dois dormir encore, toujours coincée à la montagne, je devrais avoir toutes les infos sur la succession d’ici ce soir, je vais redescendre demain matin,

Un mail pour expliquer à l’agent immobilier son silence et essayer de le motiver pour la vente de la Bastide en lui annonçant qu’il y aura probablement d’autres biens à vendre.

Checker les mails de ceux qui auront insisté malgré le mail de réponse automatique signalant son absence, personne ou presque, rien qui ne puisse attendre son retour à Lille.

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C’est à ce moment que perdue dans ses pensées, elle sent le froid dans son dos et entend : « Oui alors toi, c’est pas trop vite le matin et pas trop tard le soir…on peut compter sur toi, ça va aller ? Et dire que c’est nous qu’on taxe de fainéantise »

Aimable est de retour, ça commence à bien faire ce petit ton avec elle ! Manon a été conciliante jusque-là mais là elle va sortir de ses gonds et il va apprendre à ses dépens qui elle est.

-Alors le cowboy pas aimable, il va falloir calmer sa joie parce que moi j’ai une vie en dehors d’ici et si ça continue, je ne cherche plus à comprendre, je dis au notaire de tout vendre et je rentre chez moi, ça va comme ça ?

Ras le bol de cette galère, je n’avais rien demandé mais c’est comme ça, si ça ne vous convient pas la porte est grande ouverte ! Je n'accepte plus de me faire aboyer dessus, je suis la nièce et héritière de l'ancienne propriétaire de ce domaine et vous avez tout intérêt à me ménager !

La colère de Manon a stoppé net le berger, il pose un panier de buches fendues devant lui, fait demi-tour et sort sans un mot. Elle va peut-être le regretter mais il fallait que ça sorte.

Manon récupère les buches et les range près de la cheminée, elle charge le poêle à bois et dépose sur le coin, les deux marmites en fonte dans lesquelles elle a ajouté les ingrédients pour le rôti et le gigot, elle épluche à la hâte quelques légumes et couvre les marmites, pour une fois qu’elle a le temps de cuisiner des bonnes choses sans être effondrée de fatigue et pressée par le temps, elle va en profiter et pas se laisser pourrir la vie par « Aimable » le berger bougon !

Elle appelle Le Chat et lui prépare une écuelle de lait puisqu'elle n'a pas trouvé sa nourriture, elle coupe des petits morceaux de fromage pour le chiot aussi et se prépare pour sortir sous une pluie battante et un ciel de plus en plus menaçant.

La mort dans l’âme et en frissonnant par avance, elle enfile les bottes boueuses d’hier, le long pardessus et le chapeau qui ont séché et se risque sous la pluie pour nourrir les chiens et les poules. Des armoires en fer, il y en a plusieurs dans le sellier, après en avoir ouvertes quelques-unes et y avoir découvert pas mal de trésors d’épicerie, Manon découvre enfin celle des aliments pour les chiens ainsi que leurs grosses gamelles en métal, une grande et deux normales. Elle ne connait pas les quantités qu’elle doit leur donner, elle va les remplir et on verra bien ! A peine posées au sol comme par magie voilà les chiens, un grand montagne des Pyrénées, un border collie et un genre de griffon marron beige, mystère pour les identifier.

La nourriture pour les poules doit plutôt être dans la grange près du poulailler, le chemin jusqu’à la grange sous la pluie s’avère des plus pénible, escortée des chiens et le chiot coincé sous son pull, elle marche dans la boue pour rejoindre la grande bâtisse.

Comment convaincre ces poules qui ne la connaissent pas de la suivre jusqu’à l’intérieur de la grange?

La bouffe, c’est universel, la bouffe devrait les rendre dociles… si elles ont faim elles vont la suivre, elle a repéré un seau de granulés pour volaille (c’est marqué dessus) elle prend la mangeoire des poules captant déjà une 1ère fois leur attention, la remplit de granules et sort du poulailler suivie par les volatiles. Cinq mètres au plus pour rentrer dans la grange, elle prie intérieurement pour qu’aucune ne se détourne pour aller baguenauder ailleurs, la pluie devrait aider aussi. Elle les a compté il y en a 11, si une fois dans la grange les 11 sont avec elle, elle aura mérité le reste de sa matinée au coin du feu !

Elle pose la mangeoire au sol, les poules se précipitent, c'est gagné, elle se retourne doucement pour aller fermer la grange discrètement, autour les bêtes dans leurs enclos s’approchent curieuses, cette fois elle peut les détailler, au premier rang il y a des vaches et un veau, plus loin quelques moutons et au fond tout un troupeau de chèvres bigarrées…tout le monde a l’air de s’entendre, dans un enclos solitaire un bovin plus trapu, ça doit être un taureau !

Que faire des chiens ? Elle a vu une trappe dans la remise ou se trouve le sellier, ils ne semblent pas avoir l’habitude de rentrer dans la maison, il y a des niches près de la voiture, ça doit être leur endroit quand la grange est fermée, ils doivent dormir dans la remise.

De retour à la maison, elle culpabilise d’avoir laissé au froid les autres chiens, elle sent le chiot dont le cœur bat contre sa poitrine, celui-là est pistonné…

Elle se prépare un bon thé avec quelques rasades du lait de ce matin, elle soulève les couvercles des marmites pour surveiller sa cuisine et les pousse un peu plus à la périphérie du poêle à bois pour ralentir la cuisson, elle s’apprête à compulser les albums comme elle l’a décidé cette nuit pour vérifier sa ressemblance alléguée avec la tante Rose mais comme un poison instillé dans ses veines, la culpabilité d’avoir laissé les autres chiens dans la remise, la taraude…que faire ?

Un bref coup d’œil dans le salon lui fait repérer plusieurs endroits ou pourrait être rangé ce qu’elle cherche.

Munie de ce qui semble être de vieux plaids qu’elle dispose entre un buffet et une armoire pas loin du bureau, elle se décide à aller chercher les autres chiens laissés dans la remise !

En un clin d’œil, ils la suivent et rentrent dans la maison : « Allez venez, couchez là, allez couchez » timides ils la regardent interrogatifs, elle comprend qu’ils n’ont pas l’habitude, ça va faire un drame mais elle s’en fiche, elle ne peut pas laisser ses pauvres bêtes au froid. Car même si elles en sont habituées à vivre à la dure pas question de faire des différences, elles vont profiter aussi de la chaleur de la maison, elle a disposé pas loin une gamelle d’eau fraiche. Bientôt, les chiens dorment affalés les uns contre les autres sur les couvertures…

Elle se rassied et commence à parcourir les albums… c’est frappant, les deux sœurs auraient pu être jumelles, Honorine et Rose se ressemblent étonnamment alors qu’elles ne sont que demie sœurs, voilà d’où lui vient sa ressemblance avec la tante Rose.

La mère de Rose sur les photos jaunies semblait être une solide femme au teint tanné par le soleil, souriante, souvent le chignon un peu défait, ses vigoureuses mains toujours chargées de quelque chose et pour le coup ça contrastait beaucoup avec la mère d’Honorine, plus austère.

Son arrière-grand-mère était une bourgeoise revêche, une matrone siégeant dans un salon qui n’avait presque pas changé jusqu’à aujourd’hui, son regard figé sur la photo, sans un sourire, engoncée dans ses sombres vêtements, rien ne dépassait de cette silhouette un brin hautaine, les deux femmes du père d’Honorine ne pouvait pas être plus dissemblables l’une de l’autre.

Paradoxalement, c’est celle qui n’avait pas été choisie qui semblait avoir eu une vie heureuse alors que la femme choisie affichait un sombre minois, peut-être était-elle au courant de son infortune ?

Rose apparaissait proche de sa mère et enjouée, elle rayonnait dans sa robe de mariée avec ce monsieur au chapeau qui avait l’air si heureux d’avoir cette belle fille à son bras, c'était gai et bucolique, on voyait les années de bonheur de ce couple défiler sur les pages des albums. Brutalement il disparaissait des photos et les photos de Rose devenaient plus tournées vers le domaine et ses exploitations comme si elle avait gommé son intimité, il n'y avait plus que des photos de l’extérieur de la Bergerie, de la grange en construction, de la fromagerie en travaux, de la scierie mais plus rien de vraiment personnel.

Puis tout d’un coup, une photo d’Honorine petite fille, puis plus âgée au milieu des oliviers, en mariée, encore un bébé, c’est la mère de Manon, des photos de loin d'Honorine au cimetière, des photos d’Honorine seule et triste après le décès de son mari et là au fur et à mesure des pages, elle comprend que la tante Rose a toujours suivi discrètement les évènements de la vie de sa demie sœur !

Tout le monde est là, son père, le mariage de ses parents, elle petite devant la Bastide, des photos de la maison de ses parents dans la campagne lilloise, un article de journal relatant leur accident de voiture, une photo de Manon courbée par le chagrin à leurs obsèques…une photo de sa prestation de serment, une autre sortant de son cabinet et la dernière une photo de la façade de son immeuble…

Comment avait-elle pu se procurer tout ça, elle suivait de loin sa famille depuis des décennies sans se manifester sans doute ?

Refermant les albums, Manon hésitait entre le sentiment d’avoir été épiée à son insu et celui de compassion à l’égard de cette tante, clandestine de la famille qui avait quand même voulu avoir près d’elle leur histoire.

Ces photos, elles les avaient faites faire ou les avait-elle faites elle-même ? Pour sa prestation de serment par exemple, intervenue peu de temps après le décès de ses parents, les amis, les voisins voulant sans doute compenser cette cruelle absence s’étaient tous déplacés, elle n’avait pas noté dans cette foule un visage inconnu plutôt qu’un autre, et encore qui devait elle chercher un photographe ou la tante Rose?

Finalement, elle éprouve de la tendresse pour cette tante qui avait l’envie de faire partie de sa famille mais n’avait jamais osé se manifester.

C’est triste cette vie passée en retrait de ceux qu’elle n’avait pas le droit d’aimer, la fin de sa vie aura été de transmettre tous ses biens à la dernière représentante de cette famille dont elle avait été exclue.

C’était un bel acte d’amour, un dernier acte d’amour par-delà la mort. Manon devait se montrer digne de ce dernier acte d’amour, ça changeait toute la perspective de ses prises de décisions futures.

Elle n’était plus là pour faire autant de profit que possible en faisant le moins de dégâts, désormais il s’agissait plus que d’une simple transmission de biens mais d’un passage de flambeau de quelqu’un qui l’avait aimée en secret toute sa vie.

C’était une grande responsabilité qui reposait sur elle et quel que soit son désir de tourner la page sur ces deuils qui l’étouffaient, il y avait une valeur morale dans tout ça qui allait l’obliger à surmonter sa fuite en avant.

 

 

 

#Chapitre6 #NouvelleDeLavent

 

Un coup d’œil à ses marmites pour revenir dans la réalité, le rôti de veau est prêt, le gigot a encore besoin d’un peu de cuisson, elle y rajoute une rasade de vin blanc pour compenser le fait que sans lutage le jus de cuisson se sera un peu évaporé, il est presque midi, elle va dresser la table pour elle et le berger, elle sort suivie des 4 chiens pour prendre du pain dans le congélateur et rapporter une bouteille de vin.

Elle était en train de placer une nappe à l’extrémité de la grande table quand le berger rentre et en une seconde dégaine les reproches et les questions ?

-Qu’est-ce qu’ils font là eux, ils n’ont rien à faire ici, ce ne sont pas des chiens de salon ? Et les poules tu les as rentrées et nourries ? Tu as mis du bois dans tous les poêles, tu as vu qu’il y en a un à l’étage dans la chambre de Rose et un dans le couloir près des autres chambres ? Il faut réchauffer les murs, la maison n’a pas été habitée durant plusieurs mois, sinon on ne fera que courir après la chaleur au lieu de l’entretenir !

Manon décidé à garder son calme tout en restant ferme, lui répond déterminée :

-Alors ici, c’est chez moi et si je ne me trompe pas ce sont mes chiens, hors de questions que ces bêtes n’aient pas accès à la maison et restent dehors même si ce sont des chiens qui travaillent, je dirais raison de plus, c’est comme ça et pas autrement à partir de maintenant !

- Y a plus qu’à faire rentrer les bêtes aussi comme ça, ça sera complet, grommèle t il …

-C’est ce qu’on fera si je le décide ! Avant les étables étaient contre les maisons et ouvertes sur celles-ci pour les réchauffer avec la chaleur corporelle des bêtes ! Le troupeau est l’antique chaudière pour maison… (Recrachant ses souvenirs des manuels d’histoire de la primaire). En attendant à table, on va faire honneur aux réserves de Rose, elle n’apprécierait certainement pas qu’on gâche la nourriture ! Prenez le pain que j’ai mis à décongeler près de la cheminée et à table !

En tête à tête silencieux, ils dégustent le rôti de veau qui a mijoté toute la matinée. Chacun fuyant le regard de l’autre, Camille est manifestement fâché mais il a reconnu l’autorité de la nièce de Rose.

ll paraît évident qu’elle ne pourra pas visiter avec le berger les contours et détails du domaine, il pourra en revanche l’éclairer sur son fonctionnement, il doit y avoir des dossiers quelque part. Pas de nouvelles du cousin, il paraît peu probable qu’il monte la chercher ce soir, par ce temps la piste doit être impraticable même pour un 4x4, elle espère qu’il va y avoir une accalmie demain et qu’elle pourra rentrer à Nice.

Elle n’ose pas rompre le silence et lui demander s’il a retrouvé les chevaux, elle ignore comment elle va briser la glace et c’est Didi qui va lui en donner l’occasion, alléché par les bonnes odeurs, il ouvre un œil et du canapé se met à aboyer pour réclamer à manger :

-Non, lui dit Manon !  Il est totalement sevré ? Il mange quoi habituellement ?

-Déjà il ne mange pas à table, grogne le berger, je lui fais une espèce de bouillie avec du pain, du lait chaud et des croquettes des grands.

-Je lui ferais ça quand on aura fini, ce matin je lui ai donné des morceaux de fromage, il était affamé.

-C’est pas bon pour les chiens le fromage, pas trop en tout cas !

-On va pouvoir parler du domaine cet après-midi, j’ai besoin de plus de détails pour prendre des décisions ?

-Pour tout bazarder ?

-Non pas nécessairement, on pourrait conserver ce qui fonctionne en autonomie et est bénéficiaire et voir pour le reste.

-Alors c’est simple, tout était bénéficiaire, on livre le bois de chauffe de toute la région avec le bois de coupe dont le renouvellement d’arbres est organisé depuis des décennies, pour les fromages, Rose a un contrat avec tous les restaurants gastronomiques du coin, elle les livre toutes les semaines et ce sont de gros contrats car ça paye bien. Elle livre aussi deux ou trois maitres fromagers et c’est tout aussi rentable, elle aussi un accord avec quelques boutiques bio, quant aux troupeaux ils n’ont pour but que d’alimenter la fromagerie, le peu de viande produite est pour l’usage exclusif de la bergerie, rien qu’avec ça le domaine paie ses charges et dégage des bénéfices.

Rose m’a expliqué qu’en cas de coup dur elle a de l’épargne et des investissements qui lui permettent de financer ce dont elle a besoin… Elle m’avait dit il y a quelques années ce qu’elle avait prévu pour après elle, elle m’a dit que vous n’auriez rien à débourser et qu’il suffisait de continuer comme ça.

Pour la fromagerie elle a formé Guitte qui vient la moitié de la semaine pour l'aider et qui la fait tourner depuis la mort de Rose, Baptistin gère la scierie, Giorgio les serres et verger et moi je m’occupe du reste.

A vous de voir, je peux aller chercher la comptabilité de la fromagerie, pour celle de la scierie ça sera plus long, il faut pouvoir y aller et sinon, il a des classeurs bleus rangés ici dans la petite armoire pour la comptabilité générale, Rose avait un expert-comptable il a dû transmettre tout au notaire.

-Ok pour la compta de la fromagerie. Est-ce qu’il y aurait une carte du domaine avec le découpage des différentes exploitations ?

-Oui il y a ça, ici dans la même armoire, on n’a pas été touché par la crise sanitaire, au contraire. Rose disait que tout est affaire d’équilibre, qu’il ne faut pas trop voir grand pour rester indépendant et loin des banques.

Décidemment la tante Rose était pleine de bon sens et tout cela semblait extrêmement sain.

-Quelle superficie fait le domaine ?

-22 hectares en comptant les serres en Italie qui sont dirigées par le petit fils d'un ami d’enfance de Rose.

-22 hectares, c’est gigantesque, le notaire m’avait dit 15 seulement ! C’est dommage qu’on ne puisse pas visiter un peu et demain je serais repartie…

-Rose avait racheté des terres peu de jours avant son décès donc c’est normal que ça ne soit pas encore su de tous…Humm si ça continue comme ça, je doute que tu puisses partir !

-J’espère que c’est une plaisanterie parce que je n’ai pas l’intention de m’attarder ici !

- On verra demain en attendant, je vais m’assurer que la moitié de la montagne ne va pas glisser sur nous en un torrent de boue, normalement non, les trois bâtiments sont construits sur une petite remontée et ça devrait couler de part et d’autres.

La nuit va être longue, cet après-midi je vais inspecter toutes les zones sensibles et sécuriser ce que je peux, j’ai nettoyé les étables ce matin et donner à manger aux bêtes.

Manon se demandait s’il était sérieux ou s’il disait ça pour se moquer de la petite citadine qu’elle est !

-Puisque tu as décidé de faire rentrer les chiens dans la maison, tu devrais organiser sous le deuxième appentis une zone pour leur sécher le poil un peu avant de les faire rentrer sinon il y aura de la boue partout.

Tu devrais laver tout ce qui est sale maintenant tant qu’on a de l’électricité car je ne sais pas si ça va durer, tout est dans la remise et il y a un fil  pour sécher le linge à l’abri, tu l’as vu ?

-Non mais je vais bien le trouver, vous avez du linge sale à me donner ?

- Oui mais je n’ai pas l’habitude de donner mon linge à laver à une inconnue…

-Je comprends mais vu ce que vous annoncez on ne va pas attendre d’avoir de quoi faire deux machines, je suppose qu’il n’y a pas de machine à laver le linge dans la grange ?

-Tu as raison je te ramène ça, je rapporterais aussi la compatibilité de la fromagerie, tu as besoin d’autre chose ?

-La réserve de bougies est aussi dans la remise ?

-Oui, la plus grande partie mais il y en a quelques-unes dans ce tiroir de la cuisine avec des piles de toutes sortes et tu as des frontales pendues là et dans chaque tiroir de table de chevet à l’étage.

-Je suis perdue, je n’ai pas l’habitude, je ne sais même pas si je dois vous prendre au sérieux ou si c’est pour se moquer de moi ? Je n’ai jamais vécu une tempête en montagne donc à part du bois sec pour alimenter la cheminée et les poêles je ne vois pas … Mais si on a plus d’électricité, les congélateurs, on fait comment ?

On a des panneaux photovoltaïques et des groupes électrogènes avec une grosse réserve de fuel pour la remise et la fromagerie, je vais d’ailleurs essayer de vider les cuves en faisant du fromage ce soir pour ne pas perdre le lait, on fera peut-être un peu de beurre, de crème et de fromage blanc aussi pour la Bergerie. Ou alors je te montre et tu débrouilles ?

-Ce soir ?

-Oui la fromagère ne pourra pas monter, la piste est boueuse c’est dangereux et puis je profite du jour pour vérifier et sécuriser les abords des bâtiments, dans le noir ça sera nettement moins efficace…

Retour des sarcasmes, mais elle comprend qu’il y a beaucoup à faire et qu’il est tendu, Manon va devoir dépasser son hostilité latente et se laisser guider par lui pour aider.

Camille, sort et la laisse dubitative.

Appeler Félicien qui pour l’instant ne donne pas de nouvelle,  faire des lessives, trouver des bougeoirs et préparer dans chaque pièces des bougies, en attendant mettre dans sa poche la frontale au cas où et sortir une lampe torche à mettre à côté de la porte d’entrée.

Charger au maximum tous les appareils électriques nomades et paramétrer le mode éco.

Mais avant tout préparer une gamelle pour le chiot qu’elle ne va pas continuer à nourrir de morceaux de fromage ! Elle prend aussi dans le sellier un morceau de lard à côté des jambons suspendus, rapporte un demi chou, des poireaux et quelques légumes sec, elle fera de la soupe ce soir.

Sa fin d’après-midi va être bien remplie et elle n’a pas envie d’aller sous cette pluie jusqu’à la fromagerie, elle verra bien ce soir avec le berger.

Pendant qu’elle était dans la remise Camille lui a déposé son linge sale se gardant de lui donner ses sous-vêtements, Manon réunissait tout ce qui pouvait y avoir de sale dans la maison pour faire tourner une machine tant qu’ils avaient de l’électricité, elle avait récupéré dans une des armoires de la tante, des vieilles serviettes éponge étiquetées sur l’étagère comme celles des animaux, Rose était une femme organisée.

Son panier plein elle se dirigeait vers la remise quant au loin et derrière le rideau de pluie, elle aperçoit une camionnette arriver en direction de la bergerie.

Un solide gaillard en sort en disant bonjour avec un fort accent italien.

-Bonjour, moi c’est Giorgio, je suis venu aujourd’hui, parce que demain je ne suis pas sûr de passer, j’apporte les légumes, les fruits et les fleurs, il est là Camille ?

-Non il est sur le domaine mais je ne sais pas où, je ne suis pas au courant de cette livraison ;

-Tu dois être Manon, Camille m’a demandé de monter pour livrer des produits des serres et que je discute avec toi pour la succession. Si tu veux je te fais envoyer les bilans, c’est 1 bonne petite affaires on a quelques clients les mêmes que pour les fromages de Rose et puis les locaux et ça suffit pour faire tourner l’affaire, et verser des bénéfices à Rose, j’espère qu’on pourra continuer, on est 5 à en vivre.

A SUIVRE