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Le blog de mademoisellepioupiou
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Le crime de l'Orient Express (2017)

Le crime de l'Orient Express (2017)

Le crime de l'Orient Express (2017)

Les livres d’Agatha Christie ont bercé mon adolescence, ma mère les avaient tous et je les ai dévorés avec gloutonnerie, j’ai adoré les téléfilms adaptés de son œuvre, je trouvais qu’ils respectaient parfaitement cette ambiance désuète et feutrée de l’univers d’Agatha Christie balançant entre mélancolie de la fin d’une époque et l’espoir renaissant après-guerre. Les femmes commençaient à sortir de la gangue du patriarcat pendant que les hommes pansaient encore les plaies du précédent conflit alors que des signes annonçaient déjà le suivant. Marple, Beresford et Poirot n’ont depuis très longtemps plus de secret pour moi à force de lecture mais aussi de film et bien que j’adore Ustinov, c’est David Suchet qui incarne le mieux le détective belge psycho rigide et précieux dans une mise en scène respectueuse de l’ambiance si particulière que savait créer Agatha Christie entre roses trémières et sandwichs au concombre.

Alors c’est avec un enthousiasme mesuré mais attentif que j’ai regardé cette mouture cinématographique de Kenneth Branagh au casting hollywoodien.

Et bien autant le dire tout de suite c’est mauvais et je vais expliquer pourquoi je le pense. Le florilège de stars n’y fait rien, le personnage de Poirot y est tellement écrasant qu’il ne laisse que très peu de place aux traits de caractère qui devraient être si marqués des autres personnages. Alors même que cette accentuation était ce qui devait dissimuler le cœur de l’intrigue, Branagh est tellement écrasant qu’il trahit la personnalité du petit détective belge aux moustaches cirées et impeccables. Branagh n’a pas su interpréter avec justesse ce petit belge plus britannique que les britanniques mais encore tellement continental par son observation neutre de l’autre sans les habituels a priori anglo saxon d’un Capitaine Hastings.

Là où David Suchet forçait l’attention de son auditoire avec une voie douce et des gestes à la sobriété mesurée, Branagh vocifère et tonitrue, il n’est pas ce petit belge au costume désuet, mais recherché, au col justement amidonné et aux souliers vernis surmontés de guêtres immaculées. Branagh vitupère et se secoue dans tous les sens et ne ressemble en rien au Poirot d’Agatha Christie, il le rend athlétique là où il est normalement engoncé.

Par ses gesticulations il détourne l'attention des personnalités de chaque autre personnage alors que le vrai Poirot les aurait provoqués pour les faire ressortir de leur écran de fumée, il bouffe l’oxygène de tous et les autres en sont réduits à jouer les utilités, les transformant en figurants, il laisse à tout juste de la place pour cette pauvre Michèle Pfeiffer qu’on peine à reconnaître, à l’instar de Renée Zellweger dans un autre mauvais film, à force d’avoir torturé ses traits pour leur maintenir un semblant de jeunesse.

J’ose à peine aborder la piètre et rapide prestation d’un Johnny Depp grommelant qui sans les apprêts Burtonien ou le maquillage d’un pirate retrouve son âge supposé, qui cependant y est peut être le «moins pire » !

La princesse Dragomiroff aurait pu être magistralement interprétée par Judi Dench pour peu que Branagh lui en eu laissée la place…pareil pour Willem Defoe.

Un personnage du roman a été supprimé et fusionné avec un autre détruisant la substance de chacun, effaçant le romantisme tout britannique de la situation.

Même le déraillement du train y est factice, il est peu probable que dans les circonstances décrites un train lancé à pleine vitesse ne verrait que sa locomotive dérailler par l’effet d’une avalanche tandis que le reste des wagons resterait bien en place sur un viaduc ferroviaire… !

Remplacer la neige intacte autour du train par le vide n’est qu’un effet hollywoodien de plus qui trahit lui aussi le huis clos étouffant et assourdi par ces champs de neiges qui isolent en atténuant bruits et images. Ici c’est l’immensité du vide avec pléthore d’employés s’affairant pour rétablir la locomotive et ça ne rend pas cet effet de « seuls bout du monde »

La scène finale (qu’on aurait pu écrire la cène…) est tellement ridicule, Branagh marchant vers les voyageurs installés à l’entrée du tunnel avec son grand manteau qui vole au vent comme la cape d’un super héros, là où le vrai Poirot marche à petit pas dans son manteau ajusté et ceinturé.

Kenneth Branagh s’est trompé, c’est Sherlock Holmes  et ses pirouettes ou Indiana Jones et ses cascades qu’il voulait mettre en scène et interpréter jusque dans le teasing de la fin !

Pour moi, c’est donc un pire. A comparer avec la prestation de David Suchet dans le téléfilm du même nom, c’est même mauvais, à comparer à l’œuvre originale de la romancière c’est inutilement infidèle puisque ça dessert l’intrigue et détruit l’équilibre du récit et de ses personnages.

Bien que la  mise en scène et distribution soient en majorité britannique, toute « brittanitude » a été gommée pour en faire un mauvais blockbuster hollywoodien et on y perd en authenticité sans rien y gagner. Branagh a fait appel à des pointures en matière d’interprétation mais il leur a rogné les ailes et c’est pitié.

Si tu l’as raté au cinéma passe ton chemin de vidéaste ça ne vaut pas tripette